FASHION WEEK : SUR LE PIED DE GUERRE OU D'AMOUR

 

La phase haute couture de la première semaine de la mode parisienne 100% numérique s'est close mercredi. Echo des propositions de Franck Sorbier et Bouchra Jarrar.

Photo Marcel Hartmann

Photo Marcel Hartmann

Publié dans Libération

Vu la créativité étincelante de John Galliano chez Maison Margiela, le rendez-vous était stabiloté par tout observateur de la mode qui se respecte : mercredi, 10 heures. Las, le clip qu’on a vu dure 47 secondes, à peine une mise en bouche d’un film qui sera révélé… le 16 juillet. Comme il est réalisé par le photographe-vidéaste britannique Nick Knight, sorcier ès 3D et nouvelles technologies, et qu’il a pour protagoniste le saisissant mannequin allemand Leon Dame (silhouette voûtée qui avance en se tordant et comme en colère, avec un regard de psychopathe), on restabilote.

Sinon, on retiendra de ce mercredi deux propositions aux antipodes, quoique toutes les deux en noir et blanc. Franck Sorbier, adepte du théâtral, fait dans le littéral : intitulée Il medico della peste («le médecin de la peste»), sa vidéo met en scène le duel entre le Covid-19 et la science, incarnés par une femme inquiétante, blafarde, cernée et à la chevelure déployée en forme de sphère, et un homme à masque-bec (protection qu’arboraient les médecins au temps de la peste). Une belle jeune fille apeurée (l’humanité ?) en châle pourpre que poursuit un cheval noir au galop vient tambouriner à la porte du musée (des Arts et Métiers) où ils s’affrontent…La collection elle-même n’est pas révélée dans ce prélude censément cathartique, qui a le mérite de ne pas faire comme si de rien n’était.

Bouchra Jarrar ne fait pas non plus l’impasse. Le confinement est palpable dans la mise en scène d’Edition n°2, avec les scènes dans un appartement où se côtoient deux jeunes femmes, un jeune homme et un chien. Ils s’ennuient mais sereinement, sans en rajouter sur leur infortune. Il faut dire qu’ils sont beaux et très bien habillés, rien à voir avec le fantôme négligé qu’on a été deux mois durant. Bouchra Jarrar revisite notamment la chemise blanche, pièce clé de son vestiaire, avec grand col et boutonnage dans le dos, impériale. L’issue ? La nature, ces bois que traversent les deux femmes, alors amazones au front ceint de plumes, toujours chics en redingote noire ou perfecto sans manches. Surtout, il y a le lien à l’autre, d’amour : les deux beautés sont jumelles, fusionnelles, fraternelles, et c’est une douce confiance que dégage l’ensemble. De la haute couture avec du sentiment mais pas gnangnan.

par Sabrina Champenois